La Sainte Ampoule et son aiguillette réalisées à l’occasion du Sacre de Charles X |
Aujourd'hui je voudrais vous rappeler un événement important dans notre histoire de France:
Le 7 octobre 1793, à Reims, les révolutionnaires français détruisent la Sainte Ampoule.
De quoi s'agit-il?
La Sainte Ampoule était une fiole contenant une huile sacrée qui a servi lors du baptême de Clovis. Une portion de ce baume était mélangée à du saint chrême pour servir à l'onction des Rois de France lors de la cérémonie du sacre. Elle était conservée à l'abbaye Saint-Rémi de Reims.
Avant de parler de sa destruction, il est indispensable de rappeler l'origine de cette Sainte Ampoule.
Pour cela autant reprendre ce que Saint Pie X déclare le 19 décembre 1907, à l'Archevêque de Reims, Monseigneur Luçon, nouvellement promu Cardinal: (voir le Bulletin du Diocèse de Reims, 28 déc. 1907, p. 621.)
Chœur de la cathédrale de Reims. Françoise et Christian Claudel; Photographes à Reims. |
C'était une heure ténébreuse pour l'Eglise de Jésus-Christ. Elle était d'un côté combattue par les Ariens, de l'autre assaillie par les Barbares; elle n'avait plus d'autre refuge que la prière pour invoquer l'heure de Dieu. Et l'heure de Dieu sonna à Reims, en la fête de Noël 496.
Jean Alaux (1785-1864) Le baptême de Clovis. Musée des beaux arts. Reims. Ancienne abbaye Saint Denis. |
Le baptême de Clovis marqua la naissance d'une grande nation: la tribu de Juda de l'ère nouvelle, qui prospéra toujours tant qu'elle fut fidèle à l'orthodoxie, tant qu'elle maintint l'alliance du Sacerdoce et du Pouvoir public, tant qu'elle se montra, non en paroles, mais en actes, la Fille aînée de l'Eglise." […]
Dans la nuit de Noël 496, à minuit, "Soudain, raconte Hincmar, Archevêque de Reims,
UNE LUMIÈRE PLUS ÉCLATANTE QUE LE SOLEIL, INONDE L'EGLISE! LE VISAGE DE L’ÉVÊQUE EN EST IRRADIÉ! EN MÊME TEMPS RETENTIT UNE VOIX: "LA PAIX SOIT AVEC VOUS! C'EST MOI! N'AVEZ POINT PEUR! PERSÉVÉREZ EN MA DILECTION!"
(Migne. Patr. lat. Tome CXXV, p. 1159 et 1160. Hincmar. Vita Sancti Remigii, Cap. XXXVI et suivants. Bibl. Nat. A. 112 à 329.),
Quand la voix eut parlé, ce fut une odeur céleste qui embauma l'atmosphère. Le Roi, la Reine, toute l'assistance épouvantés, se jetèrent aux pieds de Saint Rémi qui les rassura et leur déclara que c'est le propre de Dieu d'étonner au commencement de ses visites et de réjouir à la fin. »
Poursuivons avec Hincmar ("Vita Sancti Remigii", cap. XXXVIII (Migne t. 125, p. 1160).) :
"Dès qu'on fut arrivé au baptistère, le clerc qui portait le chrême, séparé par la foule de l'officiant, ne put arriver à le rejoindre. Le saint Chrême fit défaut. Le Pontife alors lève au ciel ses yeux en larmes et supplie le Seigneur de le secourir en cette nécessité pressante.
Histoire des Rois de France. Bibliothèque Nationale de France. Département manuscrits. |
SOUDAIN APPARAÎT, VOLTIGEANT À PORTÉE DE SA MAIN, AUX YEUX RAVIS ET ÉTONNÉS DE L'IMMENSE FOULE, UNE BLANCHE COLOMBE TENANT EN SON BEC UNE AMPOULE D'HUILE SAINTE DONT LE PARFUM D'UNE INEXPRIMABLE SUAVITÉ EMBAUMA TOUTE L'ASSISTANCE. DÈS QUE LE PRÉLAT EUT REÇU L'AMPOULE, LA COLOMBE DISPARUT!"
C'est avec le saint chrême contenu dans cette ampoule, qu'ont été sacrés tous nos Rois. « Comme au baptême du Christ, c'est "le Saint Esprit qui par l'effet d'une grâce singulière apparut sous la forme d'une colombe et donna ce baume divin au pontife" (Cérémonial du Sacre des Rois de France. Prière à Saint Rémi.)
Ainsi, pour le Sacre de nos Rois, Dieu a voulu non d'une huile terrestre, mais d'une huile céleste afin que le Roi de France fût "l'oint" du Seigneur. Ce privilège était reconnu dans le monde entier car dans toutes les cérémonies diplomatiques, l'ambassadeur du Roi de France avait le pas sur ceux de tous les autres Souverains parce que son Maître était "sacré d'une huile apportée du ciel". Comme le reconnaît un décret de la République de Venise daté de 1558.
Le bénédictin, Dom Besse, expose la signification du sacre :
Le sacre du Roi. Enluminure du XIII ème siècle. |
"Le Roi prenait possession de son trône le jour du sacre. Jésus-Christ lui conférait dans la basilique de Reims l'investiture du Royaume. Il recevait du prélat consécrateur, avec le caractère royal, les aptitudes au gouvernement. Nous les appelons, dans la langue chrétienne, les grâces d'état. Un caractère sacré s'imprimait sur toute sa personne, il en faisait un être à part, un consacré. Le Peuple Chrétien le prenait pour l’Élu de Dieu, l'Oint du Seigneur; il voyait en Dieu la source des droits qui lui arrivaient par la naissance. De son côté, le Souverain acceptait sa fonction comme un mandat. Il régnait au nom du Tout-Puissant, en vertu d'une délégation officielle.
Il y avait plus encore: un lien religieux se formait entre le Roi et son Royaume pour s'adjoindre à celui que le droit héréditaire avait déjà formé. Leur union devenait ainsi plus forte et plus féconde.
LE ROI APPARTENAIT A LA FRANCE ET LA FRANCE APPARTENAIT AU ROI.
Le Roi lui devait le service d'un Gouvernement ferme, sage et chrétien. La France lui donnait toute sa fidélité et son dévouement.
L'Eglise en consacrant cette union lui donnait un nouveau droit au respect public, ceux qui auraient tenté de le rompre se seraient rendus coupables d'un sacrilège. Le sacre faisait du prince un homme ecclésiastique, sa souveraineté apparaissait comme une fonction sainte.
Dom Besse: "Eglise et Monarchie", ch. VIII, p. 240 et 255.
Briser l'Ampoule revenait donc à briser les Rois, briser ce lien qui unissait des hommes, des femmes, une terre, un royaume à son Dieu.
Et ça les révolutionnaires de 1789 l'avaient bien compris!
C'est donc pendant la Révolution française le 7 octobre 1793 qu'elle a été brisée « solennellement »
à Reims sur l'actuelle place Royale, par le conventionnel Philippe Rühl sur le socle de la statue de Louis XV préalablement déboulonnée, cassée et destinée à être livrée à une fonderie de canons.
La veille, le curé constitutionnel Jules-Armand Seraine et un officier municipal, Philippe Hourelle, ont retiré ce qu'ils pouvaient du contenu de la sainte Ampoule et l'ont caché, pour en donner une partie respectivement à Messieurs Bouré, curé de Berry-au-Bac, et Lecomte, juge au tribunal de Reims. De plus, lors de la destruction du reliquaire, un dénommé Louis Champagne Prévoteau recueille deux fragments de verre de l'ampoule sur lesquels subsistaient des restes du baume. Le 22 mai 1825, l'archevêque de Reims procède au transvasement de tous ces fragments, à l'exception de ceux de Philippe Hourelle perdus par ses héritiers, dans du saint chrême, puis dans un nouveau reliquaire prêt à temps pour le sacre de Charles X quatre jours plus tard.
Reliquaire de la sainte Ampoule réalisé à l'occasion du sacre de Charles X |
Après le sacre de Charles X, ce qui restait de la Sainte Ampoule et de son contenu ne fut évidemment pas perdu et traversa le siècle sans histoire… enfin presque sans histoire....
Tellement sans histoire que l’abbé Jean Goy, historien et archiviste de l’archevêché de Reims, fut forcé de constater – à l’occasion de ses travaux – que la fiole du sacre de Charles X, contenue dans le reliquaire, et sans qu’on sache pourquoi, était… presque vide !
Se demandant ce qu’il était advenu du baume sacré, il finit par découvrir, en 1979, un procès-verbal daté de 1906 : ce précieux document accompagnait une fiole de verre soigneusement cachetée aux armes de Monseigneur Luçon.
Celui-ci, qui était archevêque de Reims au moment de la loi dite "de séparation des églises et de l’Etat" , par crainte de la perte ou de la profanation, avait transféré le Chrême dans cette petite bouteille de verre, qu’il avait lui-même scellée et emportée, cachée sous ses vêtements, lorsqu’il fut expulsé du palais archiépiscopal confisqué.
Le flacon scellé qui conserve le Saint Chrême miraculeux du Sacre des Rois de France |
Ainsi le contenu de la Sainte Ampoule demeure encore, soigneusement gardé dans un coffre de l’actuel archevêché de Reims, ce qui fait dire à l’Abbé Goy que la Sainte Ampoule se trouve bien dans les mains de qui il convient, à savoir l’Église de Reims.
Que nous réserve notre futur? Nul ne le sait. Mais la précieuse huile est en sécurité, prête à être utilisée, si Dieu le veut!
Le petit sourire de l'ange de cathédrale de Reims, semble nous dire que nous pourrions bien être surpris par la suite de notre Histoire.
Saint Matthieu dans son évangile (19:26) ne dit-il pas:
"Jésus les regarda, et leur dit: Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible."
Sources diverses du net: le salon beige " C'est arrivé un 7 octobre"
Le blog du Maître-Chat Lully