Pourquoi AUX 2 TABLES? parce que l'homme ne vit pas que de pain....

dimanche 2 avril 2017

Celui qui croit en moi ne mourra jamais! crois-tu cela?


La résurrection de Lazare. Monastère de Saint-Jean, près d'Athènes.


Ce 5ème dimanche de Carême, nous lisons l’Évangile de saint Jean (Ch11, 1-45) qui relate le retour à la vie de Lazare. Je vous donne le texte écrit par Maria Valtorta, une mystique chrétienne ayant bénéficié de 1943 à 1947 (et dans une moindre mesure jusqu'en 1953) de visions des scènes de l'Évangile réunies dans une œuvre monumentale : "l'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
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Marthe sort de la maison au milieu d'un groupe de juifs venus pour rendre visite et parmi lesquels se trouvent Elchias et Sadoc. De sa main elle protège ses yeux las de pleurer, gênés par la lumière, pour voir où est Jésus. Elle le voit. Elle se détache de ceux qui l'accompagnent et court vers Jésus à quelques pas du bassin rendu tout brillant par les rayons du soleil. Elle se jette aux pieds de Jésus après s'être inclinée et elle les baise et, en éclatant en sanglots, elle dit : "Paix à Toi, Maître !"    

Jésus aussi, dès qu'il l'a vue près de Lui, lui a dit : "Paix à toi !" et il a levé la main pour la bénir, en laissant aller celle de l'enfant que Barthélemy a prise tout en l'attirant un peu en arrière.  
        
Marthe poursuit : "Mais il n'y a plus de paix pour ta servante." Elle lève son visage vers Jésus en restant encore à genoux. Et dans un cri de douleur que l'on entend bien dans le silence qui s'est fait elle s'écrie : "Lazare est mort ! Si tu avais été là il ne serait pas mort. Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt, Maître ?" Elle a un ton involontaire de reproche en posant cette question.           

Puis elle revient au ton accablé de quelqu'un qui n'a plus la force de faire des reproches et dont l'unique réconfort est de rappeler les dernières actions et les derniers désirs d'un parent auquel on a cherché à donner ce qu'il désirait et pour qui on n'a pas de remords dans le cœur : "Il t'a tant appelé, Lazare, notre frère !... Maintenant, tu vois ! Je suis désolée et Marie pleure sans pouvoir se donner la paix. Et lui n'est plus ici. Tu sais si nous l'aimions ! Nous espérions tout de Toi !..."     

Un murmure de compassion pour la femme et de reproche à l'adresse de Jésus, un assentiment à la pensée sous-entendue : "et tu pouvais nous exaucer car nous le méritions à cause de l'amour que nous avons pour Toi, et Toi, au contraire, tu nous as déçues" court de groupe en groupe parmi des hochements de tête ou des regards moqueurs. Seuls quelques secrets disciples, disséminés dans la foule ont des regards de compassion pour Jésus qui écoute, très pâle et affligé, la femme désolée qui Lui parle. Gamaliel, les bras croisés dans son ample et riche vêtement de laine très fine, orné de nœuds bleus, un peu à part dans le groupe de jeunes où se trouve son fils et Joseph Barnabé, regarde fixement Jésus, sans haine et sans amour.      

Marthe, après s'être essuyée le visage, recommence à parler : "Mais même maintenant j'espère car je sais que tout ce que tu demanderas à ton Père, te sera accordé." Une douloureuse, héroïque profession de foi, dite d'une voix que les larmes font trembler, avec un regard qui tremble d'angoisse, avec l'ultime espérance qui lui tremble dans le cœur. 

"Ton frère ressuscitera. Lève-toi, Marthe."      

Marthe se lève tout en restant courbée en vénération devant Jésus auquel elle répond : "Je le sais, Maître. Il ressuscitera au dernier jour."            

"Je suis la Résurrection et la Vie. Quiconque croit en Moi, même s'il est mort, vivra. Et celui qui croit et vit en Moi ne mourra pas éternellement. Crois-tu tout cela ?" Jésus, qui d'abord avait parlé d'une voix plutôt basse uniquement à Marthe, élève la voix pour dire ces phrases où il proclame sa puissance de Dieu, et son timbre parfait résonne comme une trompette d'or dans le vaste jardin. Un frémissement presque d'épouvante secoue l'assistance. Mais ensuite certains raillent en secouant la tête.    

Marthe, à laquelle Jésus semble vouloir transfuser une espérance de plus en plus forte en tenant la main appuyée sur son épaule, lève son visage qu'elle gardait penché. Elle le lève vers Jésus, en fixant ses yeux affligés dans les lumineuses pupilles du Christ et serrant ses mains sur sa poitrine, elle répond avec une angoisse différente : "Oui, Seigneur. Je crois cela. 
Je crois que tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant, venu dans le monde. Et que tu peux tout ce que tu veux. Je crois.            
"Maintenant, je vais prévenir Marie" et elle s'éloigne rapidement en disparaissant dans la maison.         

Jésus reste où il était, ou plutôt il fait quelques pas en avant et s'approche du parterre qui entoure le bassin. Le parterre est tout éclairé de ce côté par la fine poussière du jet d'eau qu'un vent léger pousse de ce côté comme un plumet d'argent, et il paraît se perdre, Jésus, dans la contemplation du frétillement des poissons sous le voile de l'eau limpide, dans leurs jeux qui mettent des virgules d'argent et des reflets d'or dans le cristal des eaux frappées par le soleil.      
Les juifs l'observent. Ils se sont involontairement séparés en groupes bien distincts. D'un côté, en face de Jésus, tous ceux qui Lui sont hostiles, habituellement divisés entre eux par esprit sectaire, maintenant d'accord pour s'opposer à Jésus. À côté de Lui, derrière les apôtres, auxquels s'est réuni Jacques de Zébédée, Joseph, Nicodème et les autres d'esprit bienveillant. Plus loin, Gamaliel, toujours à sa place et avec la même attitude, est seul, car son fils et ses disciples se sont séparés de lui pour se répartir entre les deux groupes principaux pour être plus près de Jésus.        


Avec son cri habituel : "Rabboni !" Marie sort de la maison en courant, les bras tendus vers Jésus. Elle se jette à ses pieds qu'elle baise en sanglotant. Divers juifs, qui étaient dans la maison avec elle et qui l'ont suivie, unissent à ses pleurs leurs pleurs d'une sincérité douteuse. Maximin aussi, Marcelle, Sara, Noémi ont suivi Marie ainsi que tous ses serviteurs et de fortes lamentations s'élèvent. Je crois que dans la maison il n'est resté personne. Marthe, en voyant pleurer ainsi Marie, redouble elle aussi ses pleurs.         

"Paix à toi, Marie. Lève-toi ! Regarde-moi ! Pourquoi ces pleurs semblables à ceux des gens qui n'ont pas d'espérance ?" Jésus se penche pour dire doucement ces paroles, ses yeux dans les yeux de Marie qui, restant à genoux, reposant sur ses talons, tend vers Lui ses mains dans un geste d'invocation et ne peut parler tant elle sanglote : "Ne t'ai-je pas dit d'espérer au-delà de ce qui est croyable pour voir la gloire de Dieu ? Est-ce que par hasard ton Maître est changé pour que tu aies raison d'être ainsi angoissée ?"          

Mais Marie ne recueille pas les mots qui veulent déjà la préparer à une joie trop forte après tant d'angoisse, et elle crie, finalement maîtresse de sa voix :  "Oh ! Seigneur ! Pourquoi n'es-tu pas venu plus tôt ? Pourquoi t'es-tu tellement éloigné de nous ?         

Tu le savais que Lazare était malade ! Si tu avais été ici, il ne serait pas mort, mon frère. 
Pourquoi n'es-tu pas venu ? Je devais lui montrer encore que je l'aimais. Il devait vivre. Je devais lui montrer que je persévérais dans le bien. Je l'ai tant angoissé, mon frère ! Et maintenant ! Maintenant que je pouvais le rendre heureux, il m'a été enlevé ! Tu pouvais me le laisser, donner à la pauvre Marie la joie de le consoler après lui avoir donné tant de douleur. Oh ! Jésus ! Jésus ! Mon Maître ! Mon Sauveur ! Mon espérance !" et elle s'abat de nouveau, le front sur les pieds de Jésus qui se trouvent de nouveau lavés par les pleurs de Marie, et elle gémit : "Pourquoi as-tu fait cela, ô Seigneur ? ! Même à cause de ceux qui te haïssent et se réjouissent de ce qui arrive... 
Pourquoi as-tu fait cela, Jésus ? !" Mais il n'y a pas de reproche dans le ton de la voix de Marie comme dans celui de Marthe, il y a seulement l'angoisse de quelqu'une, qui outre sa douleur de sœur, a aussi celle d'une disciple qui sent amoindrie dans le cœur d'un grand nombre l'opinion de son Maître. 

Jésus, très penché pour entendre ces paroles qu'elle murmure la face contre terre, se redresse et dit à haute voix : "Marie, ne pleure pas ! Ton Maître aussi souffre de la mort de l'ami fidèle... car il a dû le laisser mourir..."     

Oh ! quelles railleries et quels regards de joie livide il y a sur les visages des ennemis du Christ ! Ils le voient vaincu, et s'en réjouissent, alors que les amis deviennent de plus en plus tristes.   


Jésus dit encore plus fort : "Mais, je te le dis : ne pleure pas. Lève-toi ! Regarde-moi ! Crois-tu que Moi qui t'ai tant aimée j'ai fait cela sans motif ? Peux-tu croire que je t'ai donné cette douleur inutilement ? Viens.       
"Allons vers Lazare. Où l'avez-vous mis ?"    

Jésus, plutôt que Marie et Marthe, qui ne parlent pas prises comme elles le sont par des pleurs plus forts, interroge tous les autres, surtout ceux qui, sortis avec Marie de la maison, semblent les plus troublés. Ce sont peut-être des parents plus âgés, je ne sais pas. Et ceux-ci répondent à Jésus, visiblement affligé : "Viens et vois" et ils se dirigent vers l'endroit où se trouve le tombeau à l'extrémité du verger, là où le sol a des ondulations et des veines de roche calcaire qui affleurent à la surface du sol.          

Marthe, à côté de Jésus qui a forcé Marie à se lever et il la conduit, car elle est aveuglée par ses larmes, montre de la main à Jésus où se trouve Lazare et quand ils sont près de l'endroit elle dit aussi : "C'est ici, Maître, que ton ami est enseveli" et elle indique la pierre posée obliquement à l'entrée du tombeau.
     
Jésus pour s'y rendre, suivi de tout le monde, a dû passer devant Gamaliel. Mais ils ne se sont pas salués. Ensuite Gamaliel s'est uni aux autres en s'arrêtant comme tous les pharisiens les plus rigides à quelques mètres du tombeau, alors que Jésus s'avance tout près avec les sœurs, Maximin et ceux qui sont peut-être des parents. Jésus contemple la lourde pierre qui sert de porte au tombeau et forme un lourd obstacle entre Lui et l'ami éteint, et il pleure. Les larmes des sœurs redoublent et de même celles des intimes et familiers. 
      

"Enlevez cette pierre" crie Jésus tout d'un coup, après avoir essuyé ses larmes.       

Tous ont un geste d'étonnement et un murmure court dans le rassemblement qui a grossi de quelques habitants de Béthanie qui sont entrés dans le jardin et se sont mis à la suite des hôtes. Je vois certains pharisiens qui se touchent le front en secouant la tête comme pour dire : "Il est fou !"      

Personne n'exécute l'ordre. Même chez les plus fidèles, on éprouve de l'hésitation, de la répugnance à le faire.            

Jésus répète plus fort son ordre, effrayant encore davantage les gens pris par deux sentiments opposés et qui, après avoir pensé à fuir, s'approchent tout à coup davantage pour voir, défiant la puanteur toute proche du tombeau que Jésus veut faire ouvrir.    

"Maître, ce n'est pas possible" dit Marthe en s'efforçant de retenir ses pleurs pour parler :  "Il y a déjà quatre jours qu'il est là dessous. Et tu sais de quel mal il est mort ! Seul notre amour pouvait le soigner... Maintenant la puanteur est certainement plus forte malgré les onguents... Que veux-tu voir ? Sa pourriture ?... On ne peut pas... même à cause de l'impureté de la corruption et..."         

"Ne t'ai-je pas dit que si tu crois tu verras la gloire de Dieu ? Enlevez cette pierre, je le veux !" 

C'est un cri de volonté divine... Un "oh !" étouffé sort de toutes les poitrines. Les visages deviennent blêmes, certains tremblent comme s'il était passé sur tous un vent glacial de mort. 

Marthe fait un signe à Maximin et celui-ci ordonne aux serviteurs de prendre les outils pouvant servir à remuer la lourde pierre.         

Les serviteurs s'en vont rapidement pour revenir avec des pics et des leviers robustes. Ils travaillent en faisant entrer la pointe brillante des pics entre la roche et la pierre, et ensuite ils remplacent les pics par des leviers robustes et enfin ils soulèvent avec attention la pierre en la faisant glisser d'un côté et en la traînant ensuite avec précaution contre la paroi rocheuse. Une puanteur infecte sort du sombre trou et fait reculer tout le monde.           

Marthe demande tout bas : "Maître, tu veux y descendre ? Si oui, il faut des torches..." mais elle est livide à la pensée qu'il doit le faire.        



Jésus ne lui répond pas. Il lève les yeux vers le ciel, met ses bras en croix et prie d'une voix très forte, en scandant les mots :  "Père ! Je te remercie de m'avoir exaucé. Je le savais que Tu m'exauces toujours, mais je le dis pour ceux qui sont présents ici, pour le peuple qui m'entoure, pour qu'ils croient en Toi, en Moi, et que Tu m'as envoyé !"      

Il reste encore ainsi un moment et il semble ravi en extase tellement il est transfiguré alors que, sans plus émettre aucun son, il dit des paroles secrètes de prière ou d'adoration, je ne sais. Ce que je sais, c'est qu'il a tellement outrepassé l'humain, qu'on ne peut le regarder sans se sentir le cœur trembler dans la poitrine. Il semble devenir lumière en perdant son aspect corporel, se spiritualiser, grandir et même s'élever de terre. Tout en gardant la couleur de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de ses vêtements, au contraire de ce qui se passa à la transfiguration du Thabor durant laquelle tout devint lumière et éclat éblouissant, il paraît dégager de la lumière et que tout ce qui est de Lui devient lumière. La lumière semble l'entourer d'un halo, en particulier son visage levé vers le ciel, certainement ravi dans la contemplation du Père. 
  
Il reste ainsi quelque temps, puis redevient Lui : l'Homme, mais d'une majesté puissante. Il s'avance jusqu'au seuil du tombeau. Il déplace ses bras — que jusqu'à ce moment il avait gardés ouverts en croix, les paumes tournées vers le ciel — en avant, les paumes vers la terre, et par conséquent les mains se trouvent déjà à l'intérieur du tunnel du tombeau, toutes blanches dans ce tunnel obscur. Il plonge le feu bleu de ses yeux, dont l'éclat miraculeux est aujourd'hui insoutenable, dans cette obscurité muette, et d'une voix puissante, avec un cri plus fort que celui par lequel il commanda sur le lac aux vents de tomber, d'une voix que je ne Lui ai jamais entendue dans aucun miracle, il crie :  "Lazare ! Viens dehors !" L'écho répercute sa voix dans la cavité du tombeau et se répand ensuite à travers tout le jardin, se répercute contre les ondulations du terrain de Béthanie, je crois qu'il s'en va jusqu'aux premiers escarpements au-delà des champs et revient de là, répété et amorti, comme un ordre qui ne peut faillir. Il est certain que de tous les côtés, on entend à nouveau : "dehors ! dehors ! dehors !"     


Tous éprouvent un frisson plus intense, et si la curiosité les cloue tous à leurs places, les visages pâlissent et les yeux s'écarquillent alors que les bouches s'entrouvrent involontairement avec déjà dans la gorge le cri de stupeur.    

Marthe, un peu en arrière et de côté, est comme fascinée en regardant Jésus. Marie tombe à genoux, elle qui ne s'est jamais écartée de son Maître, elle tombe à genoux au bord du tombeau, une main sur sa poitrine pour calmer les palpitations de son cœur, l'autre qui inconsciemment et convulsivement tient un pan du manteau de Jésus, et on se rend compte qu'elle tremble car le manteau a de légères secousses imprimées par la main qui le tient. 


Tableau de Léon Bonnat 1857.  Musée de Bayonne.

Quelque chose de blanc semble émerger du plus profond du souterrain. C'est d'abord une petite ligne convexe, puis elle fait place à une forme ovale, puis à l'ovale se substituent des lignes plus amples, plus longues, de plus en plus longues. Et celui qui était mort, serré dans ses bandes, avance lentement, toujours plus visible, fantomatique, impressionnant. 

Jésus recule, recule, insensiblement, mais continuellement à mesure que Lazare avance. La distance, entre les deux, reste donc la même.            

Marie est contrainte de lâcher le pan du manteau, mais elle ne bouge pas de l'endroit où elle est. La joie, l'émotion, tout, la cloue à l'endroit où elle était.   

Un "oh !" de plus en plus net sort des gorges d'abord fermées par la douleur de l'attente. C'est d'abord un murmure à peine distinct qui se change en voix, et la voix devient un cri puissant.       



Lazare est désormais au bord du tombeau et il s'arrête là, raide, muet, semblable à une statue de plâtre à peine ébauchée et donc informe, une longue chose, mince à la tête, mince aux jambes, plus large au tronc, macabre comme la mort elle-même, spectrale, dans la blancheur des bandes contre le fond sombre du tombeau. Au soleil qui l'enveloppe, les bandes paraissent ça et là laisser couler la pourriture.            

Jésus crie d'une voix forte : "Débarrassez-le et laissez-le aller. Donnez-lui des vêtements et de la nourriture."        

"Maître !..." dit Marthe, et elle voudrait peut-être en dire davantage, mais Jésus la regarde fixement, la subjuguant de son regard étincelant, et il dit : "Ici ! Tout de suite ! Tout de suite, apportez un vêtement. Habillez-le en présence de tout le monde et donnez-lui à manger." Il commande et ne se retourne jamais pour regarder ceux qui sont derrière et autour de Lui. 

Son œil regarde seulement Lazare, Marie qui est près du ressuscité sans souci de la répulsion que donnent à tous les bandes souillées, et Marthe qui halète comme si son cœur allait éclater et qui ne sait si elle doit crier sa joie ou pleurer...            

Les serviteurs se hâtent d'exécuter les ordres. Noémi s'en va en courant la première et la première revient avec les vêtements qu'elle tient pliés sur son bras. Quelques-uns délient les lacets des bandelettes après avoir retroussé leurs manches et relevé leurs vêtements pour qu'ils ne touchent pas la pourriture qui coule. Marcelle et Sara reviennent avec des amphores de parfums, suivies de serviteurs les uns avec des bassins et des brocs fumants d'eau chaude, les autres avec des plateaux, des bols pleins de lait, du vin, des fruits, des fouaces recouvertes de miel.             

Les bandelettes étroites et très longues, de lin, me semble-t-il, avec des lisières des deux côtés, certainement tissées pour cet usage, se déroulent comme des rouleaux de ganse d'une grande bobine et s'entassent sur le sol, alourdies par les aromates et la pourriture. Les serviteurs les écartent en se servant de bâtons. Ils ont commencé par la tête, et là aussi il y a la pourriture qui s'est écoulée du nez, des oreilles, de la bouche. Le suaire placé sur le visage est tout trempé de ces souillures et le visage de Lazare que l'on voit très pâle, squelettique, avec les yeux tenus fermés par des pommades mises dans les orbites, avec les cheveux collés et de même la barbiche du menton, en est tout souillé. Le drap descend lentement, le suaire mis autour du corps, à mesure que les bandelettes descendent, descendent, descendent, libérant le tronc qu'elles avaient comprimé pendant de nombreux jours, et rendant une forme humaine à ce qu'elles avaient d'abord rendu semblable à une grande chrysalide. Les épaules osseuses, les bras squelettiques, les côtes à peine couvertes de peau, le ventre creusé, apparaissent lentement. À mesure que les bandes tombent, les sœurs, Maximin, les serviteurs, s'empressent d'enlever la première couche de crasse et de baume, et s'y appliquent en changeant continuellement l'eau rendue détergente par les aromates qu'on y a mis jusqu'à ce que la peau apparaisse nette.        
Rambrandt 1630
La résurrection de Lazare détail.
Lorsqu'on a dégagé le visage de Lazare et qu'il peut regarder, il dirige son regard vers Jésus avant même de regarder ses sœurs. Il oublie tout et s'abstrait de tout ce qui arrive pour regarder, avec un sourire d'amour sur ses lèvres pâles et une larme lumineuse au fond des yeux, son Jésus. Jésus aussi lui sourit et a une lueur de larme dans le coin de l'œil, mais sans parler il dirige le regard de Lazare vers le ciel, Lazare comprend et remue les lèvres dans une prière silencieuse.     

Marthe croit qu'il veut dire quelque chose sans avoir encore de voix et elle demande; "Que me dis-tu, mon Lazare ?"           

"Rien, Marthe. Je remerciais le Très-Haut." La prononciation est assurée, la voix forte. 

Les gens poussent de nouveau un "oh !" étonné.       

Désormais ils l'ont dégagé jusqu'aux hanches, libéré et propre, et ils peuvent le revêtir de la tunique courte, une sorte de chemisette qui dépasse l'aine pour retomber sur les cuisses. 

On le fait asseoir pour dégager ses jambes et les laver. Quand elles apparaissent, Marthe et Marie poussent un grand cri en montrant les jambes et les bandelettes. Sur les bandelettes qui serraient les jambes, et sur le suaire posé par dessous, les écoulements purulents sont si abondants qu'ils forment des grosses gouttes sur les toiles, mais les jambes visiblement sont tout à fait cicatrisées. Seules les cicatrices rouges-bleuâtres indiquent où elles étaient gangrenées.


Tous les gens crient plus fort leur étonnement. Jésus sourit et aussi Lazare qui regarde un instant ses jambes guéries, puis s'abstrait de nouveau pour regarder Jésus. Il semble ne pouvoir se rassasier de le voir. Les juifs, pharisiens, sadducéens, scribes, rabbis, s'approchent avec précaution pour ne pas souiller leurs vêtements. Ils regardent de tout près Lazare, ils regardent de tout près Jésus. Mais ni Lazare ni Jésus ne s'occupent d'eux : ils se regardent et tout le reste est inexistant.             

Voilà que l'on met les sandales à Lazare. Il se lève, agile, sûr de lui. Il prend le vêtement que Marthe lui présente et l'enfile tout seul, lie sa ceinture, ajuste les plis. Le voilà, maigre et pâle, mais semblable à tout le monde. Il se lave encore les mains et les bras jusqu'aux coudes après avoir retroussé ses manches. Et puis avec une nouvelle eau il se lave de nouveau le visage et la tête, jusqu'à ce qu'il se sente tout à fait net. Il essuie ses cheveux et son visage, rend la serviette au serviteur et va tout droit vers Jésus. Il se prosterne, Lui baise les pieds.         


Jésus se penche, le relève, le serre contre son cœur en lui disant : "Bien revenu, mon ami. Que la paix soit avec toi et la joie. Vis pour accomplir ton heureuse destinée. Lève ton visage pour que je te donne le baiser de salutation." Il dépose un baiser sur les joues et Lazare Lui rend son baiser.    

C'est seulement après avoir vénéré et embrassé le Maître que Lazare parle à ses sœurs et les embrasse, puis il embrasse Maximin et Noémi qui pleurent de joie, et certains autres dont je crois qu'ils lui sont apparentés ou amis très intimes. Puis il embrasse Joseph, Nicodème, Simon le Zélote et quelques autres.          

Jésus va personnellement trouver un serviteur qui a sur les bras un plateau avec de la nourriture et il prend une fouace avec du miel, une pomme, une coupe de vin et il offre le tout à Lazare, après les avoir offerts et bénis, pour qu'il se restaure. Et Lazare mange avec l'appétit de quelqu'un qui se porte bien. Tout le monde pousse encore un "oh !" d'étonnement.
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Extrait de "L’Évangile tel qu'il m'a été révélé" de Maria Valtorta Tome 8, chapitre 8