Pourquoi AUX 2 TABLES? parce que l'homme ne vit pas que de pain....

mercredi 7 décembre 2016

AIMER

Normalement, quand on aime un être, on l’aime parce qu’on l’aime, un point c’est tout. 
On ne l’aime pas parce qu’il nous rend service, parce qu’il nous aide, ou même parce qu’il nous offre la richesse de sa personnalité, car ce ne serait pas alors vraiment l’aimer. 
Bien sûr, il va de soi que l’amour ne reste jamais les bras croisés puisqu’il implique immanquablement, au risque de se nier, le don de soi à l’être aimé. 

Cependant, encore une fois, on aime telle personne parce que l’on a choisi de l’aimer pour le seul bonheur de l’aimer.

Eh bien, ce que je viens d’affirmer s’applique aussi à notre relation avec le Christ. 
Nous l’aimons pour l’aimer. Nous ne l’aimons pas parce que nous devons l’aimer, ce ne serait pas vraiment l’aimer, nous ne l’aimons pas parce que nous en retirons des avantages, même si nous avons tout à gagner en l’aimant, nous ne l’aimons pas parce qu’il nous aide, parce qu’il nous soutient, parce qu’il peut renverser les maux qui nous font souffrir, parce qu’il a tout pouvoir sur la terre et dans le ciel, parce qu’il promet la vie éternelle, parce qu’il est Dieu, et que Dieu doit être aimé, non ! 

Nous l’aimons parce que nous avons choisi de l’aimer, et dans la gratuité s’il vous plaît, tout simplement parce qu’il est Jésus et qu’il nous attire par sa bonté excessive et sa beauté surhumaine. 

C’est du moins dans cette lumière que notre lien avec le Christ devrait se vivre, car, autant le dire sans détour, il n’en a que faire des amours de convention, des amours de devoir, des amours qui ont pour fin l’obtention de grâces particulières. À bas les amours utilitaires ! 
De même qu’un père de famille ne supporte pas l’onctuosité de son fils, soudainement devenu gentil, prévenant et serviable parce qu’il a besoin de cinquante euros, de même Jésus ne supporte pas les baisers, monologues et autres prières intéressés. Ici, l’amour est profané.

Fort de cette conviction, et sachant avec quelle perfection Jésus lui-même ne déroge pas à la loi de l’amour et nous aime pour nous-mêmes, nous comprenons que son but est tout simplement de nous aimer et non pas de charger nos épaules avec un fardeau trop lourd, en nous imposant une somme de règles à suivre, en nous obligeant à vivre comme ceci, comme cela, sous une morale étriquée, en subordonnant son amour à la perfection de nos actes, en nous reprenant à la moindre erreur, au moindre faux pas, serrant notre vie dans une sorte d’étau idéologique qui comprimerait le mouvement de la liberté humaine. 
Nous ne sommes pas des ânes qui avons besoin d’œillères et d’un licol ! 
D’ailleurs écoutez son cri : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter. » (Mt XIII, 28-30) 

Voyez que je vous dis la vérité ! Ce fardeau que nous devons porter et qui n’est autre que notre vie avec son poids de grâces et de misères, Jésus veut au contraire l’alléger, en simplifiant notre monture, car il estime que nous n’avons pas besoin de tout un fatras de règles et de commandements, de préceptes et de lois, pour assumer la vie. 
Jésus ne demande pas la lune à l’âme humaine. Il demande l’amour, le vrai, le sincère, le dense, sur chacun de nos actes, et sur chacune de nos pensées. Et pour tous. Voilà ce qu’il espère.

Seulement voilà, pour aimer si profondément les êtres connus et inconnus, il faut absolument – c’est une loi interne à l’amour qui assure son déploiement – que l’on déplace notre centre d’intérêt qui souvent repose sur l’édification de notre petit bonheur personnel, vers celui du bonheur des autres.

Autrement dit, que l’on s’oublie soi-même et que l’on mette à mort tout ce qui pourrait gêner la marche de l’amour : habitudes égoïstes, contemplation du nombril, avarice, replis sur soi-même, jugements sur les autres, duretés de cœur, paresses, et autres tares qui empêchent l’amour de décoller et bloquent au ras des pâquerettes la bonification de notre être. 

Si j’ai bien compris le Christ, c’est donc pour sauver l’amour en moi et autour de moi que je dois éradiquer un certain nombre de comportements étriqués autant que néfastes, et non pour respecter une morale dite chrétienne dont il se moque éperdument dès que son seul but est d’assurer à la manière pharisaïque une sorte de perfection humaine qui se confondrait avec un code de bonne conduite sociale. 
C’est donc pour aimer davantage et mieux que je décide de balancer aux orties mon vieux costume d’égocentrique et de suivre la sagesse du Christ qui accroche des ailes à ma capacité d’amour.


Extrait du Calendrier de l'Avent du Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine
Le 7 décembre 2016.


Père Michel-Marie Zanotti-Sorkine est un prêtre catholique, prédicateur, écrivain, compositeur et chanteur.

Son site ICI